Chers vous tous, ici et ailleurs
Le débat sur la décolonisation est vivace, ici au sein de l’Université d’Anvers, tout comme ailleurs. Un élément fondamental dans ce débat est ceci : il n’est pas rare que des personnes issues de l’immigration, qu’elles viennent d’Afrique ou d’ailleurs, soient confrontées au racisme structurel, aux préjugés et à des micro-agressions – parfois aussi au sein de mon université elle-même.
Le débat sur la décolonisation est avant tout un débat sur le monde que nous souhaitons, que nous voulons voir naître. Ce débat est aussi un débat sur notre passé : la façon dont nous abordons notre histoire reflète en effet la façon dont nous voyons notre avenir.
Le Campus Middelheim de l’Université d’Anvers, ici, a un lien direct avec le passé colonial de la Belgique au Congo, au Rwanda et au Burundi.
Ce campus a en effet accueilli, jusqu’en 1962, la Haute-École coloniale, où les hommes belges recevaient un enseignement d’élite avant de partir diriger les colonies belges. Un film de 1939 sur le programme d'études est disponible ici. Le rectorat de l’université est d’ailleurs situé dans le bâtiment principal de cet ancien établissement.
Le Campus Middelheim de l’Université d’Anvers
Le service administratif du personnel, lui, est installé dans une annexe, qui est une réplique de la maison coloniale du gouverneur belge à Léopoldville, Kinshasa.
L'annexe où se trouve le service administratif du personnel
À droite du rectorat se trouve aussi un petit monument envahi par la végétation, complètement oublié, qui avait été érigé à la mémoire des Belges anversois morts dans l’État indépendant du Congo, donc avant 1908.
En tant que recteur, je voudrais que nous puissions discuter plus ouvertement et plus librement de cet héritage. Le 31 mars, l’auditoire du bâtiment colonial principal a été solennellement baptisé « Auditoire Patrice Lumumba ».
Cet auditoire a été solennellement baptisé « Auditoire Patrice Lumumba »
Patrice Lumumba est devenu Premier ministre du Congo indépendant en 1960, avant d’être assassiné le 17 janvier 1961, il y a 62 ans. Ce meurtre a été commis avec la complicité de Belges et au vu et au su du gouvernement belge.
Patrice Lumumba avait notamment dénoncé à l’époque ce qu’une commission parlementaire belge a également établi il y a peu : « la domination et l’exploitation coloniales, les violences et les atrocités, les violations individuelles et collectives des droits humains durant cette période, ainsi que le racisme et la discrimination qui les ont accompagnées ».
Au cours des décennies qui ont suivi sa mort, Patrice Lumumba s’est en quelque sorte transcendé, devenant un symbole d’émancipation, d’égalité et de respect des droits humains.
À travers cette cérémonie du 31 mars, qui s'est déroulée en présence de membres de la famille de feu le Premier ministre Lumumba, un ancien bâtiment officiel belge a donc été rebaptisé à son nom. En hommage à son action. Et pour que chacun et chacune puisse réfléchir au monde que nous voulons.
Nous organiserons d’autres activités en mars, cette année et les suivantes. Chaque année, au mois de mars, nous mettrons des projets spécifiques sur pied autour des thèmes de l’inclusion et de la diversité, pour nos étudiants et les membres de notre personnel.
Si les actions symboliques sont importantes, elles ne suffisent pas pour assumer notre passé colonial. Des actions structurelles visant à revisiter notre mission et notre culture universitaire, et au besoin à les rectifier, sont également nécessaires.
J’invite dès lors chaque étudiant, chaque étudiante et chaque membre du personnel à s’impliquer dans les activités qui seront organisées au mois de mars et à se saisir du débat autour de la décolonisation afin que nous puissions œuvrer ensemble à une institution encore plus engagée en faveur de la diversité et de l’inclusion, ici et dans le monde entier.
Et c’est ce message aussi que j’adresse, bien au delà de mon université. Je vous remercie tous sincèrement pour votre engagement.